lundi 22 septembre 2008

Collège de Fortet - Tour de Calvin

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Pour faire suite à un échange d'information avec l'auteur du site :
http://www.fregondee.fr

Revoici de nouvelles références concernant cette fameuse Tour de Calvin (l'originale)...

...un petit article parue en 1899 dans le Magasin Pittoresque :



La Tour de Calvin

De récentes démolitions ont mis à jour rue Valette, anciennement rue des Sept-Voies, presque sur la place du Panthéon et non loin de la bibliothèque Sainte-Geneviève, un assez curieux fragment d'architecture que les antiquaires et les archéologues avaient été jusqu'à présent les seuls à connaître et à visiter.

C'est une petite tour carrée, surmontée d'une chambre rectangulaire et adossée à une maison dont la vétusté et les lézardes attestent un passé lointain. L'ensemble de cette construction est à peu près tout ce qui reste de l'ancien collège Fortet.

La tour passe pour avoir été habitée par Calvin.

Il est difficile de dire jusqu'à quel point on doit affirmer cette assertion; les preuves font défaut. Il est certain que Calvin vint à Paris vers 1531; que, désireux d'habiter près de l'endroit où professait Danès dont il voulait suivre les cours, il se logea de préférence au collège Fortet. Quelle chambre y fut la sienne? On ne le saura probablement jamais. La légende a choisi celle de la tour et, de fait, l'aspect recueiIli de cette cellule, son isolement au sein des bâtiments qui l'environnent, invitent l'imagination à y croire.

Le collège Fortet avait été fondé en 1391 par Pierre de Fortet, archidiacre de Cussac et chanoine de plusieurs églises.

Calvin y séjourna à deux reprises. Il y étudia d'abord la théologie : il avait à peine vingt ans et alors sa seule ambition était de conquérir un nom dans l'humanisme. Lorsqu'il y revint pour la seconde fois, l'évolution de ses idées était commencée : il se démit de ses titres et revenus ecclésiastiques et suivit avec passion la fermentation du conflit religieux qui devait prendre bientôt une extension si considérable. Des intrigues sans nombre agitaient les partis; de sourdes menées visaient obscurément à un éclat et Calvin attendait une occasion pour se jeter ouvertement dans les débats. Le jour de la Toussaint de l'année 1533, en présence de l'Université et du corps professoral réunis, le recteur Nicolas Copp prononça un discours solennel. Conçue sons une forme magistrale, dans un style mâle et provocant, remplie d'idées neuves où pour la première fois apparaissait l'esprit de la Réforme, cette sorte de plaidoirie eut un grand retentissement.

On sut bientôt que Calvin, loin d'être étranger à la manifestation en était l'âme, et que les paroles prononcées par le recteur en Sorbonne étaient une leçon apprise chez le jeune réformateur.
Henri III, circonvenu par les théologiens, s'en émut. L'ordre fut donné d'arrêter Nicolas Copp et son complice. Le premier, averti à temps, réussit à quitter Paris et gagna Bâle.

Calvin n'attendit pas l'arrivée des gens de la justice. Du collège Fortet, il avait eu connaissance des discussions orageuses de la réunion universitaire. Il jugea les mesures hostiles imminentes et prit prudemment la fuite. Voulant rendre son départ secret, il se sauva par la fenêtre de sa chambre, se réfugia dans le faubourg Sain-Victor chez un vigneron de sa connaissance, y changea de costume et parvint à atteindre Noyon sans être reconnu. On le retrouve ensuite en Saintonge, puis à Nérac auprès de la reine Marguerite. Un peu plus tard il revint à Paris, fut présenté à la cour, mais ne reparut plus rue des Sept-Voies.

Le collège Fortet avait abrité les débuts de la carrière de Calvin. Il fut cinquante ans plus tard le berceau de la Sainte Ligue. Ces dissensions intestines qui, sous un but apparent de défense de la foi catholique, cachèrent tant de passions mondaines, s'y ménagèrent des coulisses. Dans la chambre du ligueur Boucher, curé de Saint-Benoist, les plans, l'organisation de l'entreprise furent élaborés, les menées premières décidées. De là partirent les plus violents appels au fanatisme de la population. En 1585, le Conseil général de la faction des Seize y tint ses séances.

Le rôle politique du collège Fortet cessa avec l'arrivée de Henri IV, ses victoires et son abjuration. On ne vit plus s'y glisser au crépuscule de longues capes dissimulant mal une armure ou une épée, on n'en vit plus sortir au matin des visages masqués. On n'y entendit plus de rumeurs belliqueuses. L'onction doctorale, le silence studieux, les promenades et les lectures dans les préaux remplacèrent les fougueux débats et les agitations conspiratrices.
En 1764, l'établissement fut réuni au collège Louis-le-Grand.

L'immeuble fût adjugé à un particulier en 1806. Depuis, de nouvelles constructions ont remplacé plusieurs des anciens bâtiments. Les temps ne sont pas éloignés où des maisons de rapport s'élèveront à cet endroit si bien situé qui fait l'angle de la place du Panthéon près de l'église Saint-Etienne-du-Mont.

Et c'en sera fait à tout jamais des restes du collège Fortet et de la tour de Calvin.
Aussi nous a-t-il paru intéressant de dire quelques mots au sujet de cette relique qui, trop modeste sans doute pour aller de pair avec tant de précieux souvenirs encore debout dans la capitale, n'en a cependant pas moins sa place marquée dans l'histoire.

Robert Hénard – La Magasin Pittoresque - 1899

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